La Chapelle des Scrovegni

 

  1. Un chef-d’oeuvre dans les jardins de l’arène

Quand on parle de Padoue, on pense tout de suite à Giotto. En effet, c’est ici qu’entre 1303 et 1305, dans l’un des lieux les plus importants pour l’histoire de l’art italien, que le maître toscan a achevé un chef-d’oeuvre absolu, son œuvre peinte à fresque la mieux conservée au monde : la chapelle des Scrovegni. L’édifice, autrefois flanqué du palais de la noble famille des Scrovegni, se trouve à l’intérieur des jardins de l’Arena, appelés ainsi en raison de l’amphithéâtre qui s’y dressait à l’époque romaine. Ses vestiges sont encore visibles aujourd’hui : la façade de la chapelle a pour base ce qui, autrefois, était le mur externe de l’arène, de forme elliptique.

Légende image : Fresques de Giotto à l’intérieur de la chapelle des Scrovegni.

 

  1. Les scènes représentées

Giotto a recouvert l’intégralité des murs de la chapelle, subdivisant les murs et l’arc triomphal en 39 scènes de la Vie de Marie et de la Vie du Christ. Dans la partie inférieure de la nef, le peintre a représenté les figures des Vertus, sur la paroi de gauche, qui s’opposent aux figures des Vices, sur le mur de droite. C’est un véritable parcours spirituel qui accompagne chaque fidèle au Paradis ou en Enfer, représentés dans le majestueux Jugement Dernier. L’ornementation se poursuit sur la voûte, où dix médaillons circulaires apparaissent dans le ciel étoilé.

 

Légende image : Vice du désespoir, Giotto

 

 

 

 

Légende image : Vertu de l’espérance, Giotto

 

 

 

 

 

Légende image : Jugement Dernier, Giotto

 

 

 

  1. Giotto et la perspective

À Padoue, le peintre florentin a démontré toute son habileté en matière de perspective : il a par exemple réalisé deux faux espaces architecturés (lesdits Coretti) en peignant deux pièces vides en trompe-l’oeil de part et d’autre de l’arc triomphal. Ce n’est pas tout ! Grâce à l’utilisation d’une moulure peinte servant de cadre aux épisodes sacrés, il les relie entre eux créant ainsi une véritable narration.

 

 

Légende image : Coretto, Giotto

 

 

 

 

Légende image : Cadre peint autour de l’épisode des Lamentations, Giotto

 

 

 

  1. L’expression des sentiments

Qu’est-ce qui fait de cette chapelle un lieu unique au monde ? Le cycle giottesque constitue un extraordinaire exemple de réalisme : jamais encore en peinture les sentiments humains n’avaient été restitués d’une manière si exceptionnelle. Les figures des mères dans le Massacre des Innocents, accablées par le chagrin, sont extrêmement célèbres, de même que le réalisme de la cruauté avec laquelle les damnés se font torturer dans le Jugement Dernier : l’horreur évoquée par le peintre marque l’esprit du fidèle, incité à rester sur le droit chemin. On admire aussi le premier baiser de l’histoire de l’art, que se donnent les parents de Marie.

 

Légende image : Massacre des Innocents, détail des visages des mères, Giotto

 

 

 

Légende image : Rencontre à la porte Dorée, détail du baiser, Giotto

 

 

 

  1. Détails du quotidien

En plus de porter toute cette attention à l’expression des émotions, Giotto s’est appliqué à décrire de manière réaliste chaque détail de la vie quotidienne. Ce procédé lui a permis de transposer les personnages sacrés dans le monde réel, soit Padoue au XIVe siècle : ce faisant, Giotto a initié une pratique innovante, celle « d’actualiser » et de « laïciser » l’histoire sacrée. L’exemple le plus célèbre nous est donné par son commanditaire lui-même, Enrico Scrovegni, représenté au Paradis alors qu’il offre à la Vierge la maquette de la chapelle.

 

Légende image : Jugement Dernier, offrande de la chapelle à la Vierge, à saint Jean l’Évangéliste et à sainte Catherine par Enrico scrovegni, Giotto

  1. Les commanditaires

À son arrivée en ville, Giotto di Bondone était un artiste célèbre: il avait déjà travaillé à la Basilique Saint-François-d’Assise, à Rome, à Florence et à Rimini.

Enrico Scrovegni a profité de la présence du maître à la basilique Saint-Antoine, où il était engagé depuis 1302 dans d’importants projets décoratifs.

Mais qui était Enrico Scrovegni, qui a engagé Giotto ? C’était un riche homme d’affaires, un banquier actif dans le monde des finances. Dante mentionne Reginaldo Scrovegni, le père d’Enrico, dans le chant XVII de l’Enfer, où son âme apparaît dans le giron des usuriers : selon la tradition, Enrico aurait commandé cette œuvre pour racheter les péchés de son père. Légende ou vérité ?

  1. Enrico Scrovegni : usurier ou homme de foi ?

Des études récentes ont révélé quelques éléments surprenants de la vie d’Enrico Scrovegni. Il semble qu’il ait été un membre notoire de la confrérie des Frati Gaudenti de Padoue, dont la vocation était de lutter contre l’usure dans la ville en diffusant le culte de la Vierge : voilà qui désavouerait sa réputation d’usurier et expliquerait que la chapelle des Scrovegni ait porté par le passé le nom de Sainte-Marie-de-la-Charité.

  1. Conservation des peintures murales

L’excellent état de conservation des fresques est assuré par une série de contrôles effectués en permanence par une équipe d’experts. Suite aux derniers travaux de restauration, achevés en 2002, une entrée latérale a été mise en place. Elle est équipée d’un système de climatisation qui, en plus de contrôler le flux de visiteurs, empêche les particules polluantes présentes dans l’atmosphère de pénétrer dans la chapelle. Cela permet de maintenir des niveaux de température et d’humidité optimaux pour la préservation du monument.

 

DÉFINITIONS :

FRESQUE : Le mot français « fresque » vient de l’italien « fresco ». Il s’agit d’une peinture réalisée avec une technique bien spécifique. Le maître de Giotto, Cimabue, réalisait des peintures murales avec la technique du « mezzo fresco » : il recouvrait toute la surface du mur qu’il fallait peindre avec un enduit frais avant de commencer à peindre. Giotto a ensuite développé la méthode des journées, en observant la technique du « buon fresco ». En effet, il enduisait uniquement la surface qu’il pensait peindre dans la journée. De cette manière, les pigments de la peinture étaient absorbés par l’enduit qui restait frais, alors que Cimabue continuait à peindre les jours suivants sur une surface toujours plus sèche. En effet, à Assise, dans la basilique, on observe une grande différence de conservation entre les fresques de Giotto et celles de Cimabue.

Le mot « fresque » est aujourd’hui employé dans le langage commun pour désigner une quelconque peinture murale, même s’il s’agit à l’origine d’une technique bien spécifique de peindre sur un mur.

NEF : espace central d’un église, qui la traverse en longueur, où se trouvent les bancs pour les fidèles.

PERSPECTIVE : technique qui consiste à rendre la profondeur d’une scène peinte ou sculptée, en représentant les différents plans sur lesquels se trouvent les objets et personnages qui composent la scène.

TROMPE-L’OEIL : image qui donne l’impression à l’oeil de voir la réalité. Par exemple, dans la chapelle des Scrovegni, Giotto a réalisé deux fresques qui trompe l’oeil du visiteur et lui donne l’impression que l’arc central est entouré par deux pièces vides.

COMMANDITAIRE : la personne qui commande une œuvre à un artiste.

USURE : prêter de l’argent à un taux extrêmement élevé. Pratique illégale

 

Adresse : Piazza Eremitani, 8, 35121 Padova PD

Site internet : http://www.cappelladegliscrovegni.it/index.php/it/

Ouverture: tous les jours de 9h à 19h. (15 minutes de visite)

Tarifs:

– Plein (+18 ans) : 14 €

– Réduit (groupes d’au moins 10 personnes; plus de 65 ans citoyens UE) : 10 €

– Réduit (citoyens et employés de Padoue) : 6 €